Dans cet article, je vous partage l’expérience de mes deux accouchements et comment je suis passée d’un premier accouchement médicalisé et difficile à un deuxième accouchement physiologique sans péridurale.

J’ai longtemps hésité à faire ce témoignage, car ce sont des moments de vie très intimes et personnels, mais je suis convaincue que cela pourra apporter un nouvel éclairage à certaines d’entre vous, et peut-être vous permettre de construire le projet de naissance qui vous correspond. J’en entends encore tellement me dire “si j’avais su…j’aurais mieux préparé mon accouchement” que cela me paraît important de témoigner quitte à déranger ou bousculer certains clichés.

Avertissement : cet article parle également des violences obstétricales que j’ai subies lors de mon premier accouchement et peuvent heurter les personnes sensibles.

Cet article n’est pas contre la médicalisation : il encourage à éviter, quand tout se passe bien, une intervention médicale inutile.

Cet article n’est pas non plus contre la péridurale : il est une piste de réflexion pour toute femme qui souhaite prendre conscience de la puissance de son corps et aller le plus loin possible dans le travail sans péridurale.

Quand je suis tombée enceinte pour la première fois, j’avais des croyances bien ancrées concernant l’accouchement : je voyais cela comme une épreuve et je me demandais comment j’allais être capable de mettre au monde mon bébé. Je ne comprenais pas comment, physiquement, une tête de bébé allait pouvoir passer par là ! Évidemment, j’allais opter pour la péridurale, qui à l’époque, me paraissait être une évidence. Accoucher, tout comme être enceinte, était un grand saut dans l’inconnu, et j’ai naturellement mis toute ma confiance entre les mains de l’équipe médicale qui me suivait : gynécologue, sage-femme et anesthésiste. J’ai suivi une préparation à l’accouchement classique, au cours de laquelle on nous explique le déroulement de l’accouchement, du début du travail jusqu’à la délivrance (expulsion du placenta), les différentes façons d’accoucher (par voie basse ou par césarienne) et dans quels cas les instruments tels que les forceps, spatules ou ventouses peuvent être utilisés pour aider à la sortie du bébé. Heureusement, j’avais une sage-femme très humaine et douce qui “compensait” un gynécologue assez brute, aussi bien dans ses propos que dans ses gestes…

A l’époque, j’avais choisis une maternité de niveau 3 pour accoucher, c’est-à-dire qui comporte une unité de néonatologie et une réanimation néonatale. Cela me rassurait car je me disais qu’en cas de problème, mon bébé serait pris en charge rapidement.

A 9 jours du terme et après un décollement des membranes non consenti, j’ai senti un liquide couler de manière inhabituelle et vers 21h, nous nous sommes rendus à la maternité pour faire un contrôle. Un test et un toucher vaginal plus tard, on nous informait qu’il fallait rester et que notre fille serait bientôt parmi nous. En salle de pré-travail, je me suis retrouvée en position allongée avec des douleurs au bassin assez fortes, un monitoring qui ne me permettait pas trop de bouger, impossible de fermer l’œil de la nuit… Régulièrement, la sage-femme venait vérifier le col pour être sûre que le travail progressait correctement. On m’a proposé 2 fois la péridurale, mais les contractions étaient supportables, j’ai donc préféré attendre. J’étais dilatée à 6-7 cm et je me sentais hyper fière d’arriver à gérer les contractions. Mais je voulais quand même la péridurale pour accoucher, et comme j’avais peur qu’après il soit trop tard pour la poser, je décidais de l’accepter la fois suivante.

A 8h du matin, nous sommes partis en salle d’accouchement. Je commençais à moins supporter les contractions qui étaient de plus en plus intenses, j’ai donc demandé la péridurale. L’anesthésiste ne m’a quasiment pas adressé la parole. Il discutait avec sa collègue derrière moi et ne m’expliquait rien de ce qu’il faisait. Bien évidemment je n’ai rien osé demander. Je me sentais vulnérable dans cette blouse d’hôpital et j’avais froid. Une fois la péridurale posée, j’ai eu une drôle de sensation dans les jambes mais sinon tout allait bien.

Une sage-femme est venue me faire un énième contrôle du col et m’a prévenue qu’elle allait rompre la poche des eaux pour accélérer le travail. Effectivement, j’ai senti que les contractions s’intensifiaient et j’avais l’impression que la péridurale ne fonctionnait pas. On m’a donc fait une 2ème pose de péridurale, pour laquelle j’ai du m’assoir et me retrouver avec la blouse trempée… Cette fois, la péridurale avait l’air de fonctionner un peu mieux mais je sentais toujours les contractions.

Vers 13h, j’étais à dilatation complète, il était temps pour moi de mettre au monde mon bébé. Mais je me sentais épuisée. Je n’avais pas dormi de la nuit, rien mangé depuis 20h la veille et je n’avais pas eu le droit de boire. Au moment de pousser, j’ai vite compris que j’étais inefficace. Cette position sur le dos ne me convenait pas du tout. Je sentais que mon bébé ne progressait pas, et contrairement aux contractions bien gérées où j’étais plutôt fière de moi, je commençais à perdre confiance. Autour de moi, les sage-femmes s’agitaient et elles ont fini par appeler le gynécologue.

A l’arrivée de celui-ci, tout est allé trop vite, il a décidé que je n’étais pas capable de pousser et m’a fait une épisiotomie puis il a positionné les forceps. A ce moment-là, j’ai cru mourir de douleur, et je ne comprenais pas comment on pouvait m’infliger un tel supplice. A la contraction suivante, il a tiré sur les forceps de toutes ses forces, et tout mon corps est parti avec sur la table d’accouchement… Je me suis littéralement fait engueuler par la sage-femme qui m’a dit qu’à la prochaine contraction je devais tout donner pour faire sortir ma fille. Instinct de survie et de mère : c’est ce que j’ai fait. Et mon périnée a complètement lâché. On ne m’expliquait rien mais j’ai vite compris que la déchirure était grave rien qu’à la réaction du gynécologue.

J’essayais de me focaliser sur ma fille qui venait de naître, elle a crié tout de suite et on la posé sur moi quelques instants, mais j’étais vraiment sous le choc et n’ai pas pu profiter de ce moment. L’équipe l’a ensuite récupéré pour l’habiller pendant que le gynécologue procédait à l’expulsion du placenta. Je ne rentrerai pas dans les détails de cette partie par pudeur, mais j’en suis ressortie traumatisée. Il a passé par la suite 20 minutes à me recoudre, sans rien m’expliquer. 20 minutes pendant lesquelles je suis restée focalisée sur l’horloge, à me demander quel carnage cela devait être pour qu’il me recouse aussi longtemps…

Comme j’avais perdu pas mal de sang lors de mon accouchement, j’étais anémiée, ce qui m’a valu de rester allongée pendant 48h. C’était tellement frustrant de ne pas pouvoir m’occuper de ma fille, et chaque nuit je revivais la fin de mon accouchement, un peu comme un traumatisme après un accident de voiture. Avec mon chéri, on débriefait régulièrement et j’essayais tant bien que mal de me raisonner sur la violence que j’avais subie. On se disait qu’il y avait sûrement une bonne raison d’agir ainsi, que c’était nécessaire pour bébé.

Par la suite, j’apprendrai qu’il y avait 10 femmes en train d’accoucher ce jour-là et “qu’il fallait faire vite”. Je me suis toujours demandé quel avait été le gain de temps de ce médecin qui a finalement passé 20 minutes à me recoudre… Mais on se raisonne, on essaie de faire abstraction. Ma fille allait bien et c’était le principal. Les sage-femmes qui venaient me voir dans la chambre avaient la “délicatesse” de me dire que la cicatrice était plutôt “jolie”. Comment vous dire que j’aurais juste préféré qu’on respecte mon corps, qu’on me propose d’autres solutions que les instruments, comme par exemple, changer de position, me laisser plus de temps, m’autoriser à boire… etc !

  • J’étais persuadée que l’accouchement devait être médicalisé pour ne prendre aucun risque pour mon bébé ou pour moi,
  • J’étais peu informée sur les différentes façons d’accoucher (même si je pensais l’être),
  • J’ai confié la responsabilité de mon accouchement à l’équipe médicale,
  • J’ai ressenti une violence extrême lors de l’utilisation des forceps avec la sensation qu’on m’avait “volé” la fin de mon accouchement,
  • Je me suis sentie dé-responsabilisée de mon accouchement et surtout complètement dépossédée de mon corps,
  • J’ai eu de lourdes conséquences physiques avec une rééducation du périnée plus longue,
  • J’ai mis plusieurs mois à me remettre de ce traumatisme.

Je suivais depuis plusieurs années déjà, le merveilleux compte @ariane_saligne sur Instagram. Il y a deux ans, Ariane accouchait de son 3ème fils à domicile et racontait dans plusieurs posts dédiés ce moment magique. Son récit m’a bouleversé… Cela représentait tout ce que j’aurais voulu vivre pour la naissance de ma fille : être libre de mes mouvements, écouter mon corps, être dans l’intimité… Cela a fait ressortir toute la douleur et le traumatisme de mon premier accouchement. Mais sans que j’en ai vraiment conscience, cela a également été le début du processus de guérison de mes blessures et une ouverture vers une nouvelle vision de ce qu’est un accouchement. J’ai trouvé son accouchement à domicile tellement beau, tellement inspirant, tellement naturel, que cela a balayé un certain nombre de mes croyances.

Deux mois plus tard, je tombais de nouveau enceinte, et ma première réaction en pensant à l’accouchement a été : “Plus Jamais !”

Plus Jamais, le manque de respect de mon corps, les violences gynécologiques.

Plus Jamais, pour décider à ma place de comment j’accouche.

Plus Jamais, un acte médical pour lequel je n’aurais pas consenti.

Pour autant, je ressentais encore le besoin d’être dans un environnement médicalisé “au cas où”. Je ne m’imaginais pas accoucher chez moi, sans filet de sécurité. J’ai commencé à chercher du côté des maisons de naissance, mais la plus proche de chez nous me semblait déjà trop loin pour pouvoir y accéder rapidement le jour J. J’ai alors cherché une sage-femme qui prépare à l’accouchement naturel et c’est comme ça que j’ai croisé le chemin de Charlotte qui fait de l’accompagnement global, c’est-à-dire qu’elle assure tout le suivi de grossesse, elle est présente le jour de la naissance et fait également le suivi post-partum.

Au contact de Charlotte, j’ai appris énormément de choses ! Ses cours de préparation à l’accouchement intègrent toute une partie de physiologie de l’accouchement qui est encore trop rarement enseigné aux futures mamans lors des cours de préparation classiques. Mon chéri, qui au départ était un peu stressé par l’accouchement naturel, a été très intéressé par les cours et sa vision de l’accouchement a totalement changé.

Charlotte m’a permis de faire le deuil de mon premier accouchement, de comprendre ce qui s’était réellement passé. Cette étape a été nécessaire et primordiale pour me redonner confiance en moi et en mes capacités à mettre au monde mon 2ème bébé.

Je me suis beaucoup documenté pendant cette 2ème grossesse, en lisant des livres fabuleux (qui devrait être prescrit à chaque femme enceinte !):

Pour cette grossesse, je me sentais beaucoup plus sereine quant à l’accouchement. Je me suis inscrite dans une maternité qui met à disposition la Salle Nature à Charlotte pour accoucher de façon naturelle. Lors de mon rendez-vous avec l’anesthésiste (rendez-vous qui reste obligatoire), j’ai senti que l’état d’esprit de cette maternité n’avait rien à voir avec ce que j’avais pu connaître avant : l’anesthésiste était ouvert à l’accouchement naturel, il m’a juste rappelé que si j’en ressentais vraiment le besoin, je pourrais demander la péridurale.

Je suis à 9 jours du terme, il est 1h du matin quand je suis réveillée par une sensation de poussée, puis quelque chose “lâche”. Aucun doute possible, la poche des eaux est rompue. Je réveille mon chéri qui appelle Charlotte pour la prévenir. Elle lui demande si j’ai des contractions régulières, et ce n’est pas le cas, elle nous conseille donc de rester tranquillement à la maison et de nous reposer jusqu’à ce que les contractions deviennent régulières. Elle nous dit de la prévenir au petit matin si rien ne se passe. Je suis surexcitée et je n’arrive pas du tout à me rendormir ! Je file donc prendre une douche bien chaude pour me détendre. Vers 4h du matin, je prend un bon petit déjeuner pour prendre des forces. En me levant de table, je sens une “descente” : bébé est descendu d’un coup dans mon bassin, il ne va pas falloir trop traîner ! Ma belle-maman arrive pour garder notre fille et nous filons à la maternité.

En arrivant, on demande à aller dans la Salle Nature. Cette pièce est spacieuse, avec un grand lit rond, une baignoire (et une table d’accouchement qui ne sera jamais utilisée). Charlotte n’étant pas encore arrivée, je tombe sur une étudiante sage-femme qui me donne une blouse à enfiler… Je déchante : je pensais pouvoir accoucher dans la tenue que je souhaite ! Heureusement Charlotte arrive à ce moment-là et m’autorise à m’habiller comme je veux, dans la tenue qui me paraît la plus confortable pour la poursuite du travail. Elle m’examine le col: je suis dilatée à 4 cm. Ce sera la seule et unique fois car elle m’assure qu’en fonction de mon comportement, elle saura où j’en suis dans mon accouchement.

On échange tranquillement sur les contractions, mes sensations. On tamise la lumière, je fais du ballon aidée de mon chéri pour accompagner les contractions. Parfois Charlotte nous laisse tous les deux dans la pièce, dans notre intimité. On se crée une bulle sereine.

Puis le rythme change et les contractions deviennent plus intenses. Charlotte me propose alors un bain chaud dans lequel je reste presque 1h. A chaque contraction, je m’agrippe à mon chéri, et j’essaie de me détendre au maximum. Cela fonctionne vraiment bien puisque j’arrive à somnoler entre deux contractions !

Quand je sors du bain, je sens tout de suite qu’on change encore de rythme ! Les contractions sont vraiment douloureuses et j’ai un bouton rouge “péridurale” qui clignote dans mon esprit à chaque fois. Je me dis que je vais craquer mais mon chéri et ma sage-femme m’encouragent, me rassurent : je sais faire, je vais y arriver !

Et c’est le moment de pousser… Je suis debout sur les genoux avec mon chéri dans la même position en face de moi. Mon angoisse revient car j’ai peur d’être déchirée à nouveau. Du coup je me “contiens” au lieu de m’ouvrir. La sensation est vraiment très étrange, le bassin s’écarte et bébé fait sa progression. Charlotte me fait des massages pour aider le bassin à s’ouvrir. A chaque poussée, je sens que mon bébé progresse mais je commence à trouver le temps long et cela me fait vraiment mal. Pourtant je sens que mon corps pousse tout seul et que c’est cette dernière barrière mentale qui m’empêche de sortir mon bébé. Je crie énormément, de douleur mais surtout parce que l’effort est phénoménal ! Heureusement j’ai le droit de boire, ce que je fais entre chaque contractions !

Puis Charlotte perd un peu le rythme cardiaque de bébé, et me fait changer de position, je commence à la sentir préoccupée et cela fait déclic dans ma tête : je vais au-delà de ma peur en me disant que je dois sortir mon bébé. Alors je donne tout sur encore 2 ou 3 contractions, et la tête finit par sortir : mon bébé a son cordon très serré autour du cou. Je n’en profite pas longtemps car il est vite emmené en néonatologie où il passera 2h pour s’assurer que tout va bien. C’est assez étrange car mon chéri et Charlotte sont vraiment préoccupés alors que je ne stresse pas du tout. Plus tard, Charlotte m’expliquera que j’étais remplie d’hormones et que c’est grâce à ça que je n’ai ressenti aucun stress.

Une fois mon bébé en sureté en néonatologie, Charlotte revient pour l’étape de délivrance. Tout se passe naturellement et sans douleur. Elle me fait 2 points de suture et c’est terminé : j’ai accouché naturellement et sans péridurale ! Je n’en reviens pas ! Je mets un certain temps à “redescendre” de toutes ces émotions.

Puis on rejoint bébé en néonat, il va bien et tout le monde est rassuré.

  • Je suis restée chez moi, dans mon cocon, jusqu’à ce que je ressente qu’il était temps de partir à la maternité,
  • Une fois arrivée en salle Nature, j’étais dans l’intimité avec mon chéri et une sage-femme de confiance,
  • Je me suis sentie respectée : pas de vérification du col systématique,
  • J’ai pu porter la tenue de mon choix, dans laquelle je me sentais le plus à l’aise
  • J’ai eu le droit de manger et de boire
  • 1h de bain chaud pour me détendre et qui a fait avancer le travail
  • J’ai pu accoucher dans la position que je souhaitais
  • J’ai accouché en 8h dont 4h de travail/poussées (au lieu de 16h pour le 1er accouchement)
  • J’ai ressenti cette pleine puissance dans ma capacité à mettre au monde mon enfant

Une immense fierté ! Nous avons beaucoup débriefé mon chéri et moi, et il m’a avoué avoir vécu cet accouchement très intensément. Il s’est vraiment senti impliqué et utile dans la gestion de la douleur, et d’ailleurs je n’aurais pas pu accoucher sans lui !

Je savais que cet accouchement serait différent mais jamais je n’aurais imaginé vivre une telle puissance !

Ce que notre corps sait faire, c’est juste incroyable ! Et chaque femme devrait suivre une préparation à l’accouchement qui lui donne confiance en ses propres capacités à enfanter.

Pour finir, je citerai cette merveilleuse phrase de Charlotte :

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